Comment faire la différence entre indépendance et autonomie dans l’univers du « HP ».

par | 3 Jan 2016 | Archives => 2023

Le visionnement  du film « Demain »…, m’a inspiré sur maints sujets, avec l’envie de partager quelques uns de mes questionnements, avec au coeur de mes réflexions les enjeux liés à la discrimination positive.

 

Questions :

  • Quels sont les mécanismes qui permettent de construire en l’être humain une envie d’autonomie, une ouverture à l’autre, une conscience du monde ?
  • Comment gérer les phénomènes de discrimination issus des différentes lois et règlements entourant les fonctionnements différents?

Avant tout un brin d’étymologie :

Autonomie :

Du grec Autos : Soi-même; nomos : Loi, règle. De là : Autonomie = capacité ou droit de se donner à soi-même (à ses décisions ou à ses actes) sa propre loi ou règle (Selbstgesetzgebung)

Contexte d’origine : Système politique de la Grèce antique.
Autonomie = statut des parties d’un ensemble politique – suivant lequel ces parties peuvent décider d’elles-mêmes dans certains domaines, – cependant toujours dans le cadre d’un ensemble englobant (ex. actuel : La province autonome de la Catalogne dans l’état d’Espagne).

Autonomie ne signifie pas : – indépendance ou souveraineté- , mais : autodétermination partielle et limitée

Discrimination :

Du latin discriminare, de crimen, point de séparation.

Contexte pédagogique : Discrimination positive

A l’aide d’un dispositif inégalitaire et temporaire, la discrimination positive vise à rétablir une égalité des chances. Elle peut aider des populations très défavorisées, mais ne résout en général pas le problème à l’origine de l’inégalité ou de la discrimination.

Indépendance :

Du latin in, privé de, et dependere, être suspendu à.

Soit : Ne pas être rattaché à.
D’une manière générale : L’indépendance désigne l’absence de relation de cause à effet, d’influence, de contrainte, ou de coordination entre différentes choses ou événements.

Responsable :

du latin respondere, se porter garant, répondre de, apparenté à sponsio, engagement solennel, promesse, assurance.

Nous nous trouvons au cœur d’un nœud touchant de manière sensible le monde des personnes à HP où beaucoup d’entre elles confondent comportements indépendants et autonomes. Ce qui pose quelques questions sur leur capacité à être responsable

Calvin et Hobbes de Bill Watterson

Mon point de vue

La personne à HP, n’ayant pu se développer dans un environnement lui permettant d’intégrer sa différence de fonctionnement comme quelque chose de « normal », « admis », « enrichissant », met en place des mécanismes de défense relativement costauds.   Sous l’égide d’un fort besoin d’indépendance pour pouvoir fonctionner, la personne va de facto créer de fortes résistances au développement de comportements autonomes.

L’autonomie est une attitude qui permet de s’autodéterminer dans divers contextes avec toujours la notion d’une liberté dans un cadre réglementé. L’auto-détermination dépend d’une bonne considération de soi-même. On observe cependant chez un nombre non négligeable de personnes à HP une très faible estime d’elles-même et une identité souvent construite sur de « faux-self », avec de réelles contradictions dans leurs attitudes.

Leur « indépendance » ressemble souvent davantage à une protection. En parallèle, émerge un fort besoin de « faire changer le monde » autour d’eux afin de ne plus être confronté à leurs difficultés d’intégration et souvent en invoquant leur grande sensibilité, afin de ne pas être rattaché à….

Les personnes à HP insupportent le cadre proposé, ce qui apparait souvent juste et légitime. Elles ne vont cependant que peu agir pour le changer.
La sensation d’être victime, soit de discrimination externe, soit de sa sensibilité interne, est un  argument bien plus fort que prendre le risque de se « mouiller », et de se coltiner son « humanité ».

André Comte-Sponville nous éclaire de façon élégante et compréhensible dans « Le capitalisme est -il moral? » sur la façon d’y voir plus clair, aider à prendre des décisions afin d’assumer ses responsabilités, son humanité.

Finalement un des problèmes des personnes à HP sous cet angle est d’assumer sa différence sans s’auto-discriminer (j’en sais quelque chose…) et demander Réparation et Justice……

En résumé :

  • Le fait que le contexte social et pédagogique ne reconnait pas comme normal d’être différent crée une réelle discrimination.
  • Cette discrimination amène la plupart des individus à imaginer « avoir des droits particuliers », c’est à dire  une prise en charge dans une vision de discrimination positive, vision qui tend à déresponsabiliser.
  • Cette discrimination positive crée de facto une distinction d’ordre, de niveau qui interroge sur la problématique des limites.
  • Poser des limites crée un système de comparaison et d’échelle de valeurs, mais surtout le sentiment de la plupart des personnes à HP d’être victimes du système, qui ne les reconnait pas…..
  • Le fait d’être victime ferme la porte à des comportements autonomes, ceux-ci s’appuyant sur la reconnaissance de son « droit »  à exister.
  • Exister est un fait… au delà du droit d’être
  • Etc…

 

Tout cela est bien beau sur papier… Mais en français dans le texte, ça donne quoi ?

Poser des actes simplexes au quotidien pour s’aventurer dans la découverte de comportements plus autonomes, plus assumés. Accepter de se mouiller et vivre notre humanité, développer notre sensibilité à l’altérité et à la tolérance, en un mot devenir un citoyen responsable et ouvert.

A. Berthoz dit :« La simplexité, telle que je l’entends, est l’ensemble des solutions trouvées par les organismes vivants pour que, malgré la complexité des processus naturels, le cerveau puisse préparer l’acte et en projeter les conséquences. Ces solutions sont des principes simplificateurs qui permettent de traiter des informations ou des situations, en tenant compte de l’expérience passée et en anticipant l’avenir. Ce ne sont ni des caricatures, ni des raccourcis ou des résumés. Ce sont de nouvelles façons de poser les problèmes, parfois au prix de quelques détours, pour arriver à des actions plus rapides, plus élégantes, plus efficaces. »

Nous nous trouvons actuellement dans le canton de Neuchâtel (en Suisse), dans une situation relativement complexe et gênante : L’application du BEP, ou arrêté pour les besoins éducatifs particuliers.  Cela semble de prime abord un vrai plus, une avancée dans la reconnaissance des besoins des enfants en difficultés scolaires. Au vu du développement précédent, il me semble cependant que le « problème » est pris dans un sens qui,  à moyen terme, va continuer à augmenter la discrimination,  contribuer à séparer une population dite « dans la norme » d’une autre qui est de fait « hors norme » voir « anormale » et renforcer les mécanismes d’exclusion.
  • Cela pose la question de « comment participons-nous à la construction de l’avenir pédagogique du canton de Neuchâtel ».
  • Cela ouvre le chantier de la question de « citoyenneté » ainsi que la place de la personne « différente ».  Celle-ci l’est de facto, dans une société qui par essence légifère à tour de bras, ce qui est sa réponse privilégiée.
  • Cela pose la question sur « quelques ridicules et tyrannies de notre temps » (A. Comte-Sponville.)
  • Cela interroge sur notre invraisemblable capacité à être « Simpliste » plutôt que « Simplexe » (A. Berthoz)

Je reste convaincue que les réponses liées aux enjeux soulevés par un fonctionnement différent au sein de l’école publique posent les bases futures de l’individu pour qu’il puisse devenir autonome et bien dans sa peau.

Avant de mettre en œuvre notre nouvelle enquête, il nous semblait indispensable de vous donner la parole « en tant que citoyen concerné » par le futur de l’éducation dans le canton.

L’Interview sur la RSR : Tout un monde du 31 décembre 2015, de James Meredith, premier Noir à avoir franchis les marche de l’université du Mississippi. Son témoignage exprime dans toute sa splendeur la problématique de la discrimination positive et le refus catégorique de J. Meredith  d’y adhérer.

(début du reportage à la 11’35)

 

Lb 03.01.2015