Faire entrer l’art à l’école

par | 13 Mar 2016 | Archives => 2023

Musique à l'école

Musique à l’école

Résumé: Jean-Damien Humair — Beat Hofstetter a toujours été un musicien très actif. Passionné non seulement de son instrument, mais de tous les domaines musicaux, il a obtenu cinq diplômes en parallèle : diplôme de concert et d’enseignement du saxophone, direction d’ensembles de cuivres, direction d’orchestre et musique à l’école, ceci à Bâle, Chicago et Karlsruhe. Depuis 15 ans, il dirige la filière « Musique à l’école » de la Haute école de musique de Bâle. Il se considère à la fois comme pédagogue et comme artiste et ne voit pas de séparation entre ces deux activités. Il a eu envie d’enseigner la musique au gymnase, pour la partager, tout en poursuivant sa passion pour le saxophone. Il a joué dans plusieurs grands orchestres symphoniques et reste aujourd’hui encore membre de l’ensemble de musique de chambre Arte-Quartett.

Lorsque la réforme de Bologne est entrée en vigueur et que l’Académie de musique de Bâle a rejoint la HEM, Beat Hofstetter a bénéficié d’une grande autonomie pour élaborer les plans d’études. Un lourd travail de rédaction qu’il a trouvé intéressant. Il s’est agi de conceptualiser les études musicales, de les analyser et de décider ce qui serait important pour les étudiants, en leur demandant également leur avis. Il en est résulté plusieurs nouveautés intéressantes, mais aussi une séparation claire entre les études artistiques à la HEM et les études pédagogiques à la HEP, imposée par la structure de ces institutions. C’est une situation que Beat Hofstetter regrette, car avant cette séparation, les cours professionnels servaient aussi à démontrer des principes pédagogiques, les étudiants bénéficiant d’un enseignement qui servait d’exemple.

Il faut être bon musicien pour enseigner la musique

Aujourd’hui, la formation des futurs enseignants de musique à Bâle comprend un bachelor «musique et mouvement», destiné à l’enseignement à l’école primaire. Une variante est proposée en filière de master. Le bachelor « musique à l’école I » est organisé en partenariat avec l’Université de Bâle, et il se complète d’un master donné par la HEP. Les étudiants qui suivent ce parcours sont formés dans trois branches, dont la pédagogie musicale et un instrument. La dernière branche est enseignée par l’Université. Le cursus musical inclut le piano ou un autre instrument d’accompagnement, le chant, l’improvisation, la musique pop-rock, le jeu en groupe et la théorie musicale. L’idée maîtresse est que pour bien enseigner la musique, il faut être soi-même bon musicien.

La filière « musique à l’école II » propose différentes spécialisations : instrumentiste, chef de chœur, musicologue — avec pour cette dernière branche une attention particulière donnée à la pratique. Ce diplôme de master permet aux étudiants de diriger une chorale, ou d’enseigner leur instrument. Pour enseigner la musique au niveau secondaire II, les étudiants doivent compléter leur parcours d’une année à la HEP.

Dans les HEP, la tendance de ces dernières années a été de donner une place de plus en plus importante aux sciences de l’éducation, au détriment de la musique et du dessin. Et même dans le domaine musical, les spécialistes se sont intéressés de plus en plus à la didactique musicale plutôt qu’à la pratique instrumentale. Beat Hofstetter, lui, souhaite que les compétences pédagogiques des enseignants de musique aient toujours comme point de départ des compétences artistiques. Il aimerait que ses étudiants fassent entrer la musique, l’art, dans les écoles. La musique est une des branches les plus complexes à enseigner, et il faut de nombreuses compétences pour la transmettre aux enfants de façon crédible.

Les leçons de chant deviennent leçons de musique

En particulier, le rôle du chant à l’école a passablement évolué ces dernières années : on chante de moins en moins à la maison (la faute au mp3 ?) et les leçons de chant sont peu à peu devenues des leçons de musique, où les élèves apprennent à créer, interpréter et écouter, à composer et à improviser, etc. Dans le canton de Bâle-Ville, la musique est enseignée de la première à la sixième année en demi-classes, animées par un enseignant spécialisé. Un modèle pour les autres cantons, dont les enfants sont enchantés. En revanche, au regret de Beat Hofstetter, ce demi-canton ne propose plus de filière avec enseignement élargi de la musique, comme c’est le cas à Bâle-Campagne.

Le plan d’enseignement 21 met l’accent sur la pratique musicale, sur le mouvement, sur l’expression et sur la musicalité : des objectifs ambitieux qui plaisent à Beat Hofstetter. Mais il craint   qu’ils ne soient difficiles à atteindre, car le corps enseignant actuellement en activité n’est pas assez bien formé. Si la musique est généralement très bien enseignée au gymnase — notamment avec la création d’opéras et de comédies musicales —, elle souffre du manque de compétence des enseignants au secondaire I. C’est à ce niveau-là qu’il faudrait développer des modèles d’enseignement.

Il y a 30 ans, un gymnase possédait en général deux ou trois professeurs de musique qui avaient un parcours classique et qui travaillaient de manière individuelle. C’est une situation que Beat Hofstetter apprécie de voir changer. Nous sommes aujourd’hui ouverts à plusieurs styles différents, et donc à différents parcours pour le corps enseignant. Cela nécessite davantage de coopérations entre les maîtres de musique, afin que toute l’école puisse bénéficier des compétences spécifiques de chacun.

Intégrer l’instrument dans l’horaire hebdomadaire

A l’avenir, l’école obligatoire devra également coopérer plus intensivement avec les écoles de musique. Il existe déjà ponctuellement des modèles de collaboration, ceux-ci devront être développés et intensifiés. L’enseignement de l’instrument devrait mieux être intégré dans les horaires des élèves, surtout dans les structures de jour extrafamiliales, afin que ces derniers puissent en jouer à différents moments de la journée, et pas uniquement à 7 heures du matin et à 6 heures du soir. L’enseignement en ateliers devrait également être renforcé. A l’école primaire, les leçons de musique données par des enseignants non spécialisés devraient disparaître. Au secondaire I, l’enseignement musical devrait être généralisé et inclure des branches à option.

L’enseignement a longtemps été considéré comme le parent pauvre des musiciens professionnels, mais la situation a changé ces dernières années et aujourd’hui, une formation pédagogique est importante y compris pour celles et ceux qui se destinent à une carrière de concertiste. Au final, Beat Hofstetter souhaite que l’enseignement musical soit un moment d’empathie entre les élèves et leur professeur, et ceci implique une formation adéquate de ce dernier.

Article tiré de la Revue musicale suisse N° 3/2016 page 8

Revue musicale suisse