Penser l’écart face à l’implacabilité d’un idéal de perfection
Revenons à nos moutons…. autres que ceux de Panurge….
Les personnes atypiques sont dotées de systèmes extrêmement performants leur permettant de “sentir” l’autre, de “penser” l’autre. Cela peut se traduire tout simplement par “encombrante empathie”. Notion souvent galvaudée et incomplète, sujette à beaucoup d’interprétations sommaires.
Il y a 4 dimensions constituant une empathie pleinement développée. Leurs déploiements et intégrations sont la condition de base pour qu’un individu puisse penser par lui-même tout en étant en lien avec le bien commun.
Je pense que ma capacité à percevoir le vivant peut être expliquée par la notion d’empathie. J’ai aimé ces dimensions qui ont éclairés et mis du sens dans mon chaos.
Les Trois premières dimensions de l’empathie
1ère :
Avoir la capacité d’imiter
Au départ la distinction entre soi et l’autre n’est pas clairement posée. (Il y a une différence entre : être contaminé par… et imiter). Le bébé va corporellement fonctionner de façon fusionnelle et mimétique avant d’entrer pleinement dans de l’imitation. Pour pouvoir ressentir, il faut avoir imité.
2ème :
Se préoccuper de l’autre
Être capable de ressentir ce que vit l’autre, se prendre pour l’autre, vivre ce que vit l’autre. C’est le moment de “l’épreuve”. Éprouver c’est accepter de prendre le risque d’expérimenter et de vivre la réaction “émotionnelle” que cela génère. Être traversé par des mouvements qui peuvent être partagés et nommés.
3ème :
Être capable de construire des représentations réelles ou imaginaires de ce que l’autre pense et ressent.
Deux visions cohabitent :
- La théorie de “l’Esprit” , l’enfant devient capable de comprendre qu’un autre que lui peut croire quelque chose de différent. (je me fais une idée de ce que ressens l’autre par une construction cognitive)
- La théorie dite “de la stimulation”, l’enfant acquiert la capacité de penser que l’autre est capable de faire les mêmes erreurs qu’il ferait lui-même dans une situation semblable (à sa place , je penserais, et éprouverais que…)
Dans la troisième dimension: les deux approches coexistent très bien dans la pratique même si elles paraissent antinomiques. Ce sont deux modes de penser, l’une plus analytique, l’autre plus intuitive. (Il existe aujourd’hui divers “tests de personnalité” s’appuyant sur les travaux de Jung qui fut précurseur dans le domaine).
Dans tous les cas, les deux approches font appel à des aptitudes et attitudes empathiques. A ce stade cependant ce ne sont encore que des outils. La question qui me semble fondamentale, c’est bien au service de quoi vont être mis ces outils
Cela ouvre la porte du concept d’altérité. Avant de vous entraîner une fois de plus dans mon “perfectionnisme”, je vous propose de clore avec la notion d’empathie.
Lorsque que j’ai découvert mon pouvoir de comprendre….
puis de ne plus rien y comprendre…
J’avais une vision très claire de ce que je percevais, le problème c’est que j’étais visiblement la seule. Souvent, je percevais des tensions autour de moi, en faisait part et n’était pas quittancée par le vis-à-vis.
Cette troisième dimension sous sa forme “stimulation” est apparue dans mon souvenir vers 3 ans, 3 ans et demi.
Grand désarroi intérieur….Enfant, je n’ai pas donné de crédit à mes sensations. Je percevais le monde extérieur comme de plus en plus incompréhensible et tentait souvent de me rassurer en demandant à l’autre de me quittancer dans mes sensations. J’ai fini par penser : soit l’autre se trompe, soit je me trompe….. l’autre ne pouvant se tromper, donc cela devait être moi…. Sauf que je ressentais bien que “ça” résonnait faux.
Ce qui m’a piégé dans la troisième dimension de l’empathie
Intérêt et/ou désir, c’est bien ce qui se joue dans la troisième dimension de l’empathie. Cette dimension est pleine de dérives. Les pressions sociales ou idéologiques – bien que celles-ci récupèrent très facilement les travers de l’emprise des “désirs” qui habitent chacun de nous- ne sont que la partie supérieure de l’iceberg. Je dirais bien plus que, quand les intérêts personnels se mettent en jeu, c’est le désir de contrôler la situation et de maitrîser son prochain qui devient déterminant. (vaste chantier qui fera l’objet d’un autre article)
Je pense que c’est au contact de l’accès à cette troisième dimension que s’est ouverte la porte à un perfectionnisme outrancier. J’ai traduit avec mon niveau d’empathie du moment :
- Je ne comprend rien à ce qui se passe,
- Je vais donc ouvrir mon champs de compréhension et de captation
afin d’avoir des “arguments sensi-intuitifs” me permettant de démontrer aux autres la pertinence de mon propos, qui selon ma nature et mon cœur d’enfant s’est placé au service du bien commun.
Ou comment j’ai creusé l’écart et m’y suis perdu
La vie m’a offert un corps physique de course pour tout ce qui est de “capter” de l’information, qu’elle soit physique, émotionnelle, cognitive et surtout “sensi-intuitive”. Aujourd’hui, je sais que mon cœur possède un tissu fait de neurones, qui captent et émettent de façon plus efficace et pertinente que tout ce que mon cerveau ne pourra jamais produire. A l’époque, je ne le savais pas. Le lien aux neurones du ventre et du cœur a toujours très bien fonctionné. Côté cerveau, c’est une autre histoire. Perdu dans mon besoin de comprendre, plus j’explorais les dimensions auxquelles j’étais connecté, c’est-à-dire le vivant et l’Univers, plus je partageais mes expériences avec l’idée que cela produisait de la pertinence, plus “l’autre” m’observait avec suspicion, puis peur, puis jugement , puis rejet : T’ES VRAIMENT FOU……
Utilisant d’autres canaux, j’ai découvert avec stupeur la violence faite au vivant, la puissance de destruction faite par le désir de l’autre. J’ai aussi observé de loin la puissance de la troisième dimension de l’empathie et comment celle-ci se met au service de formes plus ou moins subtiles de soumission et /ou de manipulation mieux au pire d’une forme de soumission
Je percevais aussi de la bienveillance, mais pas suffisamment pour me donner l’envie et le courage d’aller y voir. La seule réponse que j’ai pu formuler à l’époque était : je comprends rien, je n’y comprends rien. Plus mon perfectionnisme se développait, plus je quittais le lien au monde des humains qui me semblaient de plus en plus incompréhensible, insensé, vide de la richesse de ce que je percevais dans mon monde.
Parcours scolaire chaotique, la confusion et le manque de sens achevant toute forme de plaisir à me retrouver enfermé entre 4 murs, devant m’assoir “correctement” et écouter sagement des cours qui n’avaient aucun sens. Résultats en dents de scie, la promotion en fin de scolarité obligatoire ne fut pas au rendez-vous, fermant la porte à des études de neurologie dont je rêvais..
Je n’utilisais que peu ou pas les canaux cognitifs pour avoir accès aux infos….. Heureusement que mon parton d’apprentissage n’a pas exigé que je sois promu à la sortie de l’école obligatoire.
Je me suis reclus, bien qu’utilisant mes capacités au niveau professionnel de façon un peu atypique.
J’ai ouvert ma première entreprise dès mon CFC de décorateur en poche, indépendant dès l’âge de 18 ans. J’ai participé à des débats, projets qui me semblaient importants de soutenir, subissant les ” jeux de pouvoir” humains, et générant beaucoup d’animosité à mon encontre.
Vraiment trop bizzard, beaucoup trop pertinent, sur-pertinent, voir impertinent.. c’est ce que l’on me renvoyait……alors que je continuais à penser que j’étais profondément bête…
Et le besoin d’être aimé et compris? La traduction de ce que je percevais m’a convaincu d’être au mieux fou, au pire autiste…. jolie croyance, qui cependant résonnait faux au fond de moi.
Il a fallu bien des années pour mettre en lien les différents étages. Ce fut une grande chance que de ne pouvoir adhérer à ce que mon espace mental voulait bien me faire croire.
C’est en m’ouvrant à la quatrième dimension de l’empathie que les pièces du puzzle ont commencé à se mettre en place.
Pensez à la place de l’autre… sacrilège
M’ouvrir à la troisième dimension de l’empathie fut complexe: la possibilité d’avoir une représentation de mes contenus mentaux n’était pas le problème. Par contre, je me suis découvert incapable de transposer ce qui concernait l’autre en imagination dans différents personnages réels ou fictifs.
Après observation : j’étais surtout pris dans une position paradoxale liée à mon perfectionnisme, générant un “dommage collatéral” majeur : une sensation d’évanescence existentielle, traduite en “j’y comprend rien”. Elément auquel je croyais vraiment… tout en étant bien le seul. Je me sentais inexistant, on me renvoyait ma puissance. Beaucoup de quiproquo sont né de cette situation et me causèrent bien de soucis.
En résumé, la base de toutes attitudes manipulatoires qui se nourrissent de l’inconscience et des croyances des individus.
Je dirais même plus, qu’une société d’un bon niveau intellectuel et d’une relative sécurité est menacée au plus profond de son fonctionnement.
La facilité, le plaisir, la difficultés à se “coltiner” des frustrations sont autant de bonnes raisons de se protéger de tout ce qui est dérangeant. Les croyances deviennent le terreau fertile d’une dychotomie latente. Tout est bon pour se préserver d’un inconfort.
(Vaste sujet qui fera certainement l’objet d’un prochain article) ” Petit truc pour calmer mon perfectionnisme latent qui m’explique que si je ne développe pas le sujet, mon propos sera incomplet donc incompréhensible”…. la bonne blague
Je ne pouvais pas adhérer à un fonctionnement qui met “l’émotionnel” et “les croyances” au cœur de l’existence. Cette position intérieure a provoqué de fortes inhibitions quand à l’utilisation de ma capacité de penser et de par là même d’être en lien avec l’autre dans son “altérité”
Le piège s’est refermé
Utiliser la troisième dimension m’aurait exposé à prendre le risque de manipuler l’autre et l’influencer. D’autre part, cela aurait directement remis en cause mon postulat intérieur, qui est : En me substituant à la pensée de l’autre je le prive de sa liberté d’être lui-même. J’aurais aussi dû faire tomber le postulat que je n’y comprenais rien, beaucoup de choses perçues comme impossibles pour que je prenne le risque d’en changer.